"Je connais Francis depuis trente-cinq ans. Il est devenu dès cette époque mon ami le plus cher. Il est resté le plus constant depuis. Je le regarde comme mon frère par le coeur, et c'est un lien bien autrement solide que celui du sang. Quand j'hésite entre deux routes, je me tourne vers lui, et c'est celle où il s'engage que je prends.
Il est le seul être à ma connaissance, qui soit pleinement parvenu à accorder sa sensibilité, humaine jusqu'au déchirement, avec son intelligence, lucide jusqu'à la sérénité, et à régler sur les mouvements spontanés de son coeur les opinions réfléchies et les orientations méthodiques de son esprit. Je vois en lui l'homme nouveau par excellence, le témoin désigné des énergies qui germent dans la conscience de la fraction la plus vivante et généreuse de l'humanité aux heures décisives de son histoire. Un saint ? un héros ? formules mortes. Il aime trop la vie terrestre pour être classé dans la première catégorie. Il est trop foncièrement simple et porte une aversion trop vive à tout ce qui est mots et attitudes historiques pour entrer dans la seconde sans difficultés. Qu'il soit prêt à mourir sans phrases, qu'il consente sans se plaindre à être pauvre ou à devenir plus pauvre pour rester digne d'une cause épousée sans retour possible, cela, chez lui, est aussi normal que son amour pour les enfants ou les paroles confiantes qu'il échange avec ses amis, parce que cela se confond avec la notion claire qu'il s'est faite de la tâche où la pente de sa nature l'a conduit.
L'artiste qui a joué le rôle principal dans la révolution de l'ameublement moderne parce qu'il a été le premier à comprendre que le meuble n'est qu'une architecture à l'échelle de nos besoins, l'humoriste aussi ironique envers lui-même qu'il est amusé par les autres, l'être fraternel qu'il se montre envers ceux qui peinent et souffrent, l'ennemi irréductible que manifestent tous ses actes vis-à-vis de ceux dont les jouissances sont faites de la peine et de la souffrance d'autrui, autant de tendances la plupart du temps isolées ou contradictoires chez la plupart d'entre nous. Chez lui, elles s'accordent sans effort dans l'unité spirituelle et active la plus harmonieuse qui se puisse concevoir. (...)".
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